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l'autre LIVRE

singuliers pluriel

In/Fractus

In/Fractus

de Angela LUGRIN

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 15/06/2019 | 18,00 €

« Le mot “infractus”, ce mot des pauvres, des illettrés, des apeurés, je veux qu’il soit un mot puissant et vigoureux comme un chevalier, désignant le sentiment d’être brisé du dedans, d’être vaporeux et en lambeaux, sans base distincte. » Ce mot qui surgit à l’annonce de l’infarctus de son frère, Angela Lugrin s’en empare comme d’un « lieu-caverne » sur les parois duquel se profile l’ombre de leur lien de frère et sœur. 

Si son frère se méfie des mots, Angela Lugrin sent au contraire qu’en ce moment de fracas elle doit de toute urgence écrire, faire battre le cœur de leur « amour indéfectible », pulser leur « langue commune » et réanimer… les vacances, les voyages, les fous rires, les parents, leur groupe punk, leur tendresse pour les bas-côtés et ceux qui y trouvent refuge. Ce recours à l’écriture est bercé par les livres témoins, par les mots de Racine, Duras, Quignard, Rousseau ou Bonnefoy qui, l’auteure le sait, portent et tiennent debout celui qui chancelle.

Angela Lugrin nous fait entendre ici une nouvelle fois la puissance de l’écriture et de la littérature qui savent, parfois, border l’innommable quand il fait effraction dans notre réalité quotidienne.

Lettre d'un frère à ses sœurs (moins une)

Lettre d'un frère à ses sœurs (moins une)

de Claire LE CAM

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 15/05/2018 | 14,00 €

« Bien chères sœurs, » : si l’adresse de cette Lettre d’un frère à ses sœurs (moins une) sonne comme une prière, l’incipit résonne comme un coup de poing : « La sœur deuze est bien morte. »

À la suite de l’incinération de sa sœur, le temps d’une journée entamée au petit matin sous le signe de l’alcool, un frère, unique garçon de la fratrie, prend la parole et déverse dans un flot de mots hostiles et triviaux la violence des liens familiaux, un amour pour le moins ambigu transformé en devoir d’aimer. Ne s’excluant pas de la folie de ce cercle familial fait de clôtures, véritable zone d’enfermement, c’est un homme obsédé par sa propre déchéance et au bord du gouffre qui se livre, chargé de cette « besogne d’être pour vous jusqu’après ma vie votre frère ».

D’une écriture nerveuse et incisive, puissante et terriblement imagée, Claire Le Cam fait entendre la voix comme infestée du frère, sa parole « objectivement insupportable et tragique », et dépeint ainsi sans filtre une famille engluée, déboîtée.

Un écart

Un écart

de Françoise Louise DEMORGNY

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 15/05/2018 | 14,00 €

Le domaine du Grand Dhuy, l’étang de la Fermière ou la douane de la Gruerie sont lieux écartés, isolés. D’entrée, les noms résonnent et le décor est planté pour dire un pays, les Ardennes, un écart à la frontière de la France et de la Belgique. Mais, des écarts, de langage, de conduite, de jeunesse, des déplacements, des pertes, le texte en dira d’autres.

Dans ce récit en trois parties où l’on retrouve la narratrice à trois périodes de sa vie, fillette, adolescente puis femme mûre (à son troisième cheval, pour reprendre la belle expression d’Erri De Luca que l’auteure avait déjà empruntée dans son livre précédent, Rouilles), c’est l’histoire, la grande et la petite, qui se déroule, les possibles et les impossibles d’une enfance qui prend fin soudain, et sur laquelle on s’arrête, se retourne ; les émois plus ou moins dérisoires mais fondateurs et les « événements d’Algérie » dévastateurs, le dictionnaire, les pères, minuscule et majuscule, pour tenter de comprendre ou définitivement rejeter. Tissage de « l’œuvre au noir » du temps qui passe, voix fanées qui se ravivent et rendent parallèlement tout l’écart creusé, toute l’étrangeté devenue des noms, des lieux, des arbres et de l’enfance.

Écrire. Un caractère

Écrire. Un caractère

de Christiane VESCHAMBRE

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/02/2018 | 14,00 €

C’est une œuvre totalement habitée que Christiane Veschambre signe ici en s’attelant à l’écriture, sa pratique, au point de faire de l’acte d’écrire un caractère : Écrire, un sujet à l’existence propre, un organisme vivant. Au long de textes d’une page la plupart du temps, on suit un être physiquement présent aux côtés de l’auteure, qui, enfant buté et sauvage, à l’image de l’Ernesto de Duras, « ne veut pas travailler », « aime ce qui surgit », « veut un certain sommeil », « tout à coup ne veut plus », « n’apprend rien », « parfois fait le mort », bref, « n’aime pas composer ».… Portrait d’Écrire, donc, d’une intransigeance extrême, qui ne cesse de travailler l’écrivant, de l’entraîner loin de la posture de « quelqu’un-qui-écrit », hors de tout confort. Christiane Veschambre rend ainsi avec justesse « l’accès de vie » la traversant par l’écriture, ce qui « passe » par elle pour la « déloger » de son moi, comme le grondement en elle de la basse langue (titre de son précédent livre), cette langue « souterraine », étrangère à toute légitimité extérieure, et par là impérative et fondamentale.

Le capital sympathie des papillons

Le capital sympathie des papillons

de Nadia PORCAR

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 24/10/2017 | 16,00 €

Entre Montreuil, Croix-de-Chavaux, et Paris, boulevard Saint-Marcel, gravitent les personnages qui entourent la petite fille, alias l’oiseau : Nora, Aïsha, Nounou, tonton Georges, tata Mireille, le Loume… et Mer. Tous ces « ploucs », qui parlent fort et font parfois voler les assiettes, évoluent dans le décor typique des années 1970 : la cité, le bac à sable, le bar-tabac PMU, les gitanes maïs, les meubles en formica, le mange-disque orange, la grenadine, les chansons populaires… Dans ce récit construit comme un palindrome, Nadia Porcar restitue avec force et humour les traces vives d’une époque et tous les moments de vie qui fabriquent une enfance. Et si les « mots n’ont pas l’air de se rendre compte du sens qu’ils véhiculent », on devine, entre les lignes, puis révélé au centre du récit, le drame vécu par cette petite fille. Mais il y a la vie, les mots, les livres, les oiseaux… et les papillons. 

Basse langue

Basse langue

de Christiane VESCHAMBRE

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2016 | 18,00 €

Les livres nous arrivent dans la force du surgissement, nous rendant étrangers au familier – aussi bien en tant que lecteur qu’en tant qu’écrivain, et Christiane Veschambre parle là de ce double point de vue. Ce sont eux qui lui ont permis d’être à l’écoute de la « voix privée de langue, une voix de grand-mère débile » dont elle est la « petite-fille lettrée », à laquelle elle a tenté de donner ses « propres mots ». C’est de cheminer avec eux, en eux, qu’elle cherche la langue « qui étrange, qui étrangle », la basse langue.

Et c’est sur ce chemin qu’elle nous entraîne à ses côtés, revenant sur quatre lectures, quatre rencontres, avec les œuvres d’Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickinson, Gilles Deleuze, et, en guise d’épilogue, avec Mrs Muir, le personnage du film de Mankiewicz.

Mais Christiane Veschambre nous fait emprunter en parallèle, tout au long de Basse langue, ce qu’elle appelle ses « traverses », plus intimes, qui creusent, fouillent dans « l’imprononçable qui demande à être articulé », dans la langue « grondante, souterraine ». Autant de petites proses qui semblent cristalliser sa vie de femme, de femme écrivain, toujours veillant cependant à « détacher le personnel du singulier », pour rejoindre l’étrangère qui est en elle.

En-Dehors

En-Dehors

de Angela LUGRIN

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 04/06/2015 | 18,00 €

« Ici, il y a des fous, des illettrés, des pauvres, des hors-la-loi, des princes, comme dans les westerns. Et puis il y a moi. »

En-dehors retrace une année « scolaire » à la prison de la Santé, à Paris, où Angela Lugrin vient enseigner la littérature dans le cadre du Daeu, diplôme d’accès à l’université. Arpentant « ces terres-là », elle y découvre peu à peu un « paysage intérieur » insoupçonné…

On rencontre dans la salle de classe aux fenêtres grillagées des « frères humains » : Emmanuel, le Juste, Monsieur P., le séducteur, ou Oscar, mélancolique et comme « désarticulé ». Leur « beauté folle », leur fragilité, leur fierté ; la gaieté et le désespoir entremêlés.

Parce qu’il n’y a pas de « règlement intérieur de la littérature », la parole autour des textes peut devenir un lieu d’accueil, improbable et bienveillant. Analyser un texte, en prison, « c’est, un temps, se débarrasser du corps, du présent, et de tout le fourbi et néanmoins arpenter la garrigue, comme un fou ».

Rouilles

Rouilles

de Françoise Louise DEMORGNY

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 04/06/2015 | 15,00 €

Avec la rouille pour « fil rouge », brodant « à points menus des temps et des visages, des gens et des villages », Françoise Louise Demorgny fait ici revivre les « vies minuscules » des Ardennes de son enfance. Tout en traversant d’une page à l’autre sa vie d’adulte, la narratrice, « la louise de tous les chevaux », revient sur Cécile et Louis, les parents, Fernand, « un qui-va-à-l’usine », Alcidie la couturière, la poupée Sylvie ou encore Jules, qui s’est pendu à 41 ans et dont seul un cœur en tôle, « ancien, rouillé, abandonné » dans la poubelle du cimetière, signale l’existence. Cette galerie de personnages, campée avec beaucoup de tendresse et d’humour, est enrôlée dans un « théâtre d’ombres en partance », un temps rappelées à la mémoire, où chacun, « maigre témoin d’un passage », comme la rouille, va « fièrement à la catastrophe, la dislocation ultime, poussé par son histoire ».

Marie,

Marie,

de Angela LUGRIN

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 10/06/2014 | 15,00 €

Angela Lugrin écrit « la lettre impossible » à Marie Depussé. Par petites touches, par blocs de mots et d’émotions, elle trace un portrait de celle qu’elle invoque : Marie, la littérature ; Marie, la folie ; Marie, la confidente ; Marie, la beauté ; Marie, la sœur, la fraternelle ; et surtout Marie, la mère, soulevant les « questions autour de la mère qui est la mienne et de celle que je suis, de la mère sans enfant que vous êtes ». S’inscrit ainsi en creux un autre portrait, celui de celle qui écrit, qui évoque, notamment, son « enfance qui m’a donné des mots qui ne sont pas tout à fait les miens » et que Marie appelle donc à se réapproprier.

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