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l'autre LIVRE

singuliers pluriel

Je n'ai plus peur de rester là

Je n'ai plus peur de rester là

de Lugrin ANGELA

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 10/11/2023 | 19,00 €

Alors qu’elle est exposée à une « panne d’écrire », un rêve s’impose à l’autrice, dans lequel quelque chose s’énonce sans se dire. Elle se laisse entraîner par les images oniriques gravitant autour de Marie Depussé, son amie disparue, et les déplie au fil du livre : le silence, la solitude, le soleil, le rouge à lèvres, une voiture blanche…

Angela Lugrin vagabonde dans cette arborescence d’images et y découvre peu à peu les linéaments de son désir d’écrire. À la confluence des « chemins d’errance » que le rêve autorise, se dessine progressivement un lieu depuis lequel écrire est possible. Dans ce lieu, la réalité tremble, les équilibres sont fragiles et les murs sans cesse à repousser pour maintenir le vivant dans l’air vigoureux du dehors, dans un « état de veille et d’éveil », une conscience aiguë.

Le silence qui a précédé ce livre n’avait rien d’inquiétant, il ouvrait la voie à l’acceptation d’un « je » fragmenté à la manière des visions magiques et sans cesse renouvelées des kaléidoscopes, un « je » énigmatique, pétri de tout ce qui l’entoure, depuis la moindre des choses jusqu’au soleil lui-même, ouvert à l’incandescence de toute vie. Un « je » qui n’a plus peur, enfin, de rester là.

Aïeule sauvage

Aïeule sauvage

de Fleur CORMIER

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2022 | 14,00 €

Aïeule sauvage est la confrontation décapante entre une vieille femme de 92 ans, Marcelle, en maison de retraite, et Anne-Rock, la quarantaine, aide-soignante, aussi décalées l’une que l’autre, aussi lucides et rebelles. Rencontre inattendue, entre jeunesse et vieillesse, entre un corps plein et désirable et un autre effondré, dans le tutoiement de la mort de part et d’autre. Les deux femmes interviennent tour à tour, le plus souvent dans un dialogue intérieur, chacune vivant dans son monde tout en observant l’autre. Par ce jeu de passerelles et d’échos, une réalité se reconstitue. Se dessinent ainsi, sans fard, les lieux et les êtres qui les habitent.

Derrière la folle liberté qui se dégage de ces deux portraits, c’est « ce grand rien des jours » que Fleur Cormier livre à petites touches d’humour féroce, mais avec beaucoup de tendresse et d’humanité, qui sont peut-être le vrai gage d’évasion offert à ces deux femmes.

Julien le rêveur

Julien le rêveur

de Christiane VESCHAMBRE

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2022 | 15,00 €

Julien est un grand rêveur. Non pas de rêves éveillés, mais de « vrais » rêves, ceux qui naissent pendant son sommeil. C’est de leur inaliénable puissance qu’il s’agit dans ce récit. Une puissance qu’ignorent les procédures de maîtrise, de pouvoir, mises en place par une société de la « communication », de « l’évaluation », de la « performance », toutes appellations qui recouvrent l’idéologie par laquelle on resserre l’étau autour de ceux qu’il faut rendre « profitables ».
La puissance des rêves ne peut être asservie : c’est ce dont Julien fera l’expérience — malgré ses tentatives « d’adaptabilité », un moment saluées par son agence polemploi.
Julien le rêveur n’est pas un traité sociopolitique mais une fantaisie, dont le cœur bat dans un « cahier de rêves », nourri, entre autres, de poètes aimés. Une fantaisie qui s’amuse aussi de son autrice, peu encline, avoue-t-elle, à « écrire pour raconter des histoires ».
Julien le rêveur est un conte politique et poétique.

L'oubli, la mer

L'oubli, la mer

de Danielle LAMBERT

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 12/11/2021 | 15,00 €

En avril 2014, devant les caméras du monde entier, deux-cent-cinquante lycéens périssaient lors du naufrage du ferry le Sewol au large de la Corée du Sud. Devant l’inertie des autorités, la société coréenne en son entier fut dévastée par le naufrage, et se sont succédé enquêtes, condamnations, démissions ou suicides.

Si Danielle Lambert revient sur cet événement tragique, c’est en axant son récit sur le déni des autorités et la séculaire obéissance confucianiste, sur cette vérité noyée dans les profondeurs «?d’un insondable inconscient marin?». Surtout, c’est en établissant un parallèle avec la mort traumatique du frère, engloutie dans un océan d’oubli trompeur, en questionnant la déréliction, l’indifférence assassines, et la «?remontée lourde, accouchement inversé qui consiste à rendre le défunt aux siens à défaut de lui rendre la vie?».

L’oubli, la mer est un récit pudique mais accablant, à l’écriture tenue, serrée, où l’émotion est constamment gardée sur le fil.

Le nom d'un fou s'écrit partout

Le nom d'un fou s'écrit partout

de Sandrine BOURGUIGNON

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/10/2021 | 17,00 €

C’est le corps-à-corps obstiné avec les mots et les images de Fernand Deligny (1913-1996), éducateur hors du commun, cinéaste, écrivain et poète, qui est au cœur de cette biographie romancée. Deligny s’est acharné à « creuser dans la langue » pour y « chercher l’interstice », à ramasser les « petits copeaux de langage » qui tombent parfois du silence des autistes ou autres adolescents jugés incurables par les institutions — plutôt que leur apprendre à parler, apprendre à se taire soi-même, les écouter, les regarder. Et les dessins, les feuilles volantes, les images filmées, les gestes, les silences, beaucoup de silences, et puis les fameuses « lignes d’erre » qui retracent le trajet des enfants dans les aires de séjour qu’il a inventées pour eux dans les Cévennes. Car au-delà, il est aussi et avant tout question d’interroger « l’homme-que-nous-sommes », et de créer ainsi de nouvelles façons d’être au monde.

Sandrine Bourguignon s’empare du sujet à bras-le-corps. C’est une adresse à Deligny, une longue lettre en quatre parties, une biographie en miettes, et exhaustive. Qui épouse ses convictions au plus près, se faisant elle-même « le scribe d’un langage qui n’existe pas », et peut-être d’autant plus qu’elle s’autorise, ici, à imaginer, à intervenir quelques fois, mais sans jamais forcer les portes.

« Vous comparez l’écrivain à un alpiniste qui s’encorderait au lecteur. […] Alors je tourne les pages une à une. / Et nous voilà désormais encordés. »

Topographie

Topographie

de Benoit COLBOC

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 24/06/2021 | 15,00 €

Il y a une famille, ordinaire : inscrite dans son époque, avec ses habitudes, ses qu’en-dira-t-on, son entre-soi ennuyeux. Chacun à sa place. La figure centrale est le père, et pourtant si peu là ; chacun s’appréhende en fonction de lui, sauf le « dernier » (le narrateur), décalé, hostile.

Le suicide du père vient ébranler la distribution des charges et démentir les certitudes. Le « on ne dit rien à personne » s’entrouvre : refoulés pendant des années, les souvenirs de l’« enfantprêté » refont surface. Les flous qui perduraient, déplacés sur le père et faisant de lui « un monstre », s’élucident.

C’est avec une écriture boitillante, un récit désarticulé aux conjugaisons mélangées que l’auteur sature la fracture, puis la « concorde » possible entre père et fils, mais du côté d’une balafre commune : « je / tu / fondus. / Nos démolis » — dans l’ambivalence de la honte et de la culpabilité partagées.

MoMo BasTa

MoMo BasTa

de Frédérique GERMANAUD

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/03/2021 | 18,00 €

Frédérique Germanaud livre ici le récit-journal de sa rencontre avec le fascinant MoMo BasTa, grand brûlé dans son enfance, « lapin écorché » devenu artiste performeur évoluant notamment au sein de squats et collectifs d’artistes tels que l’Art-Cloche.

Marqué à vie suite à un accident domestique resté trouble, MoMo, « gueule cassée au verbe haut », cherche aujourd’hui quelqu’un qui recueillera son histoire. C’est d’abord un refus, presque un rejet, que Frédérique Germanaud oppose à cette entreprise. C’était sans compter sur la force du sujet, « chimère » au « visage illisible » qui travaille clandestinement dans son esprit et finit par s’imposer. Au fur et à mesure de ses recherches, l’autrice s’attache à celui qui, sans jamais se poser en victime, « a retourné sa peau deux fois : brûlé puis exposé », et tente de comprendre ce qui la lie à cet homme.

Pacte ambivalent parsemé de doutes, MoMo BasTa interroge l’écriture et le récit de soi, mettant en scène un double « je », biographique et autobiographique, l’un et l’autre marqués par la douleur, l’âpreté à vivre et la solitude.

dit la femme dit l'enfant

dit la femme dit l'enfant

de Christiane VESCHAMBRE

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 21/02/2020 | 16,00 €

Une enfant apparaît au seuil d’une pièce où se tient une femme. Elle reste à la lisière de cet « autre monde ». « D’où viens-tu » est la première phrase du texte, question que la femme pose à l’enfant. Un échange commence entre elles, oscillant entre le monologue intérieur et le dialogue. Les voix alternent et se répondent, chaque fois ponctuées de « dit la femme », « dit l’enfant ».

La femme parle parfois au futur : elle sait, mais pas l’enfant. Si la femme reconnaît l’enfant (« Tu es mon intime autant que mon étrangère »), a peur de l’effrayer, si l’enfant hésite à franchir le seuil de l’inconnu, s’en protège en même temps qu’il l’attire, bientôt leurs deux mondes se révèlent davantage poreux. C’est que le temps n’est pas linéaire ici : présent, passé, futur se croisent, se superposent – comme les deux voix qui peu à peu n’en feront qu’une.

Sans doute Christiane Veschambre ne se sera-t-elle encore jamais autant livrée, bien que toujours tout en pudeur, sur les origines intimes de son écriture, se retournant sur ses chemins, ré-arpentant ses traverses, maintenant de toutes ses forces ce surgissement en elle, cette émotion jamais éteinte, « poing serré, resserré autour de la langue qui file alors comme la lanière du fouet lorsqu’elle est libérée ».

À bout

À bout

de Nathalie DE COURSON

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 04/11/2019 | 18,00 €

Après avoir trouvé dans la poubelle du vieil About, son père, une enveloppe déchirée et vide ne comportant que ces quelques mots : trouvé après perte de la perte de tout d, la narratrice entreprend son récit et s’accroche à ce d qui défait.

Et ce qui se défait, là-bas, à Péricourt, c’est la figure du père, son corps, sa mémoire et sa dignité… devant ses cinq enfants, inquiets et désemparés.

Avec un humour caustique, Nathalie de Courson nous présente cette fratrie soudée, dans laquelle chacun/chacune joue un rôle différent : Primus, Triolette, Quartette, Quintette et Benjamin. À coup de plannings colorés, tous se relaient auprès du père pour assurer les tours de garde et se débrouillent comme ils peuvent pour ne pas le haïr.

Les réticences envers le vieil About — de la pitié à l’exaspération — sont variables selon l’histoire de chacun, mais tous ont du mal à assumer cette lignée d’hommes depuis des siècles pris dans l’Histoire, une vieille famille française, une dynastie de militaires et de diplomates, où même les adultères ont un air légitime.

Dans une alternance de passages narratifs et de dialogues par mails interposés, ce récit de filiation porte sur l’étrangeté des origines, la difficulté d’hériter et de se frayer un chemin de vérité avec toutes ces voix qui parlent autour et à l’intérieur de soi.

Pointillés

Pointillés

de Françoise Louise DEMORGNY

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 26/08/2019 | 16,00 €

Françoise Louise Demorgny, comme dans Rouilles et Un écart, ses précédents livres, retrouve les Ardennes, ce pays d’enfance qui la « tourmente fidèlement » et ses « voix urgentes » qui « montent des marges de l’oubli ». Se dessine peu à peu la figure de la mystérieuse tante Pierrette, placée chez les Filles du Cœur miséricordieux de Marie où naîtra Roland, l’enfant illégitime.

Si les pointillés du titre sont bien sûr ceux de la frontière entre la France et la Belgique, figure centrale du récit, « lieu de tous les possibles », ils sont également ces lignes entières que Rimbaud sème sur ses manuscrits et qui restituent « un geste, un élan, une rage » et disent « des choses entre les lignes ».

Une suite émouvante de courts textes formant récit, chaque fois précédés des mots des poètes pour tresser une guirlande à toutes ces ombres, iriser leurs pauvres histoires. Comme dans ce jeu d’enfant où une fois tracée une ligne le long des pointillés apparaît un dessin. Ici, un portrait en creux destiné à réunir enfin Pierrette et Roland dans son « exil ».

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