Face aux difficultés du secteur du livre, un collectif d'associations d'éditeurs et de libraires propose une solution que défendent auteurs, éditeurs, diffuseurs, libraires et lecteurs: le tarif postal spécifique à l’objet livre, pour aider à « atteindre chaque lecteur où qu’il soit ». Ce serait là un « signe brillant, positif, résilient », sans quoi « nous risquons d’abandonner le commerce du livre aux grandes plateformes du web qui pratiquent une concurrence déloyale ».

Il existe une mesure simple, innovante et juste qui est demandée depuis plusieurs années par l’ensemble des acteurs de la filière : auteurs, éditeurs, diffuseurs, libraires... et lecteurs. C’est la création d’un tarif postal qui soit dédié au livre sur le territoire national.

Le livre est un objet irremplaçable. Pendant le confinement, nous avons multiplié les connexions numériques avec le monde extérieur et ressenti simultanément leur absence de relief. Après l’état de saisissement provoqué par ce flot de sensations inédites, c’est vers nos interfaces de papier que nous sommes souvent retournés. Le livre est cet objet qui active les sens humains, du toucher au regard pour saisir et méditer les textes et les images qui nous parviennent page après page. C’est cet objet fin et subtil, composé par l’auteur ou par l’artiste, choisi et mis en page par l’éditeur, vendu et transmis aux lecteurs par les libraires... C’est cet objet qui est le cadeau le plus offert aux fêtes de fin d’année, et à tous les anniversaires.

Et pourtant, expédier ou recevoir un ouvrage, partager le plaisir de lire avec un destinataire éloigné devient de plus en plus difficile. En 2015, la Poste a ajouté une strate supplémentaire au prix déjà élevé de l’envoi. Tout colis de plus de 3 cm d’épaisseur est désormais soumis au tarif Colissimo : entre 6,35 et 8 €, cela représente en moyenne 3 à 4 fois la rémunération de l’auteur et davantage que la marge du libraire ! Qui, dans la chaîne du livre peut encore prendre en charge ce supplément ? Le lecteur, le libraire, l’éditeur ? Personne n’en a plus les moyens, et nous risquons d’abandonner le commerce du livre aux grandes plateformes du web qui pratiquent une concurrence déloyale en proposant la livraison à 1 centime.

La situation de crise actuelle ajoute des tensions considérables sur chaque maillon de la chaîne du livre brusquement ralentie. La réouverture des librairies est complexe avec l’obligation de distanciation physique, de désinfection des ouvrages... Les libraires vont devoir réinventer leur métier, alterner entre présence physique et numérique, multiplier les expériences pour maintenir le lien avec leurs clients lecteurs. Pendant longtemps, il n’y aura plus de festivalset salons, ni d’événements en librairies, qui permettent de véritables rencontres avec les auteurs et les éditeurs.

Tous les acteurs du livre vont devoir imaginer, créer de nouvelles relations. Le mouvement est lancé. Des initiatives collectives apparaissent en ces temps d’adaptation en action. Mais seul un acte fort, nécessaire à la fois comme mesure d’urgence et défense structurelle, est à même de soutenir cet ensemble : le tarif postal spécifique à l’objet livre. Aligné sur l’offre “Livre et brochures” actuellement réservée aux envois vers l’étranger, il permettra d’alléger les charges des professionnels et, surtout, de développer à nouveau l’achat des livres, sans aucune défiance, dans tous les endroits de France. Cette solution de bon sens existe déjà dans des pays voisins : en Allemagne, par exemple, l’envoi d’un livre sur le territoire national coûte 2 €.

Avec cette mesure, nous encouragerons l’échange et la circulation fluide des idées à travers tout le pays, en nous appuyant sur le service public de la Poste. Atteindre chaque lecteur où qu’il soit, avec cet objet si précieux, le livre, sera un signe brillant, positif, résilient, une libération de l’envoi, une ouverture qui profitera à tous.

Signataires :

AMEB maisons d’édition de Bretagne, 
Éditeurs associés de l’Est, 
Éditeurs des Hauts-de-France, 
coll. libris éditeurs en Pays de la Loire, 
N2L éditeurs de Normandie, 
Éditeurs de Nouvelle-Aquitaine, 
ERO éditeurs de la région Occitanie, 
Éditeurs du Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur, 
EIRA éditeurs en Rhône-Alpes et Auvergne, 
AETI éditeurs de Tahiti et des îles, 
Jedi Paca, France Photo Book, 
Les Éditeurs associés, 
L’autre livre, 

UEVI éditeurs de voyage indépendants, 
SEA Syndicat des Éditeurs Alternatifs, 
SLF Syndicat de la Librairie Française, 
LILE libraires de l’Est, alip libraires en Pays de la Loire, 
ARLL Mayotte, Libraires en Normandie, 
LINA libraires de Nouvelle-Aquitaine, 
Librairies Initiales, 
Libraires Ensemble, 
Comité Quartier Latin, 
CIL Confédération de l’Illustration et du Livre, 
MEL Maison des Écrivains et de la Littérature, 
Pen club français, 
FILL Fédération Interrégionale des agences du Livre et de la Lecture

 

Tribune parue sur le site Médiapart le 20 mai 2020