Selon une étude du syndicat national du secteur, les maisons d’édition voient fondre leur trésorerie et pourraient perdre de 20 à 40 % de leur chiffre d’affaires en 2020.

 

Par Nicole Vulser

 

Une crise sans précédent dans l’édition. Les premiers résultats d’une étude du Syndicat national de l’édition (SNE) rendue publique mardi 19 mai en témoignent. Les dispositifs d’aide et de soutien sont« jugés insuffisants et trop restrictifs », si bien que « bon nombre d’éditeurs sont confrontés à de graves difficultés qui vont, au minimum, affecter leur activité à court et moyen terme », explique le SNE.

Après des mois de mars et d’avril catastrophiques, la moitié des éditeurs sondés estime que leur chiffre d’affaires devrait baisser de 20 % à 40 % en 2020, et un quart d’entre eux table sur une chute de 40 %, selon ce sondage auquel ont répondu, entre le 27 avril et le 6 mai, 132 structures, représentant environ 250 maisons d’édition de toutes tailles (dont une moitié de très petites, au chiffre d’affaires annuel inférieur à 500 000 euros). Le risque de tensions sur la trésorerie est mis en avant par 57 % des répondants. Et ce alors que 18 maisons évoquent « un possible risque de fermeture ».

Pour passer l’épreuve du confinement et la quasi-totale mise en sommeil de la chaîne du livre, près des trois quarts des maisons (72 %) ont pris des mesures d’activité partielle. Certaines continuent d’y recourir. De plus, une maison d’édition sur cinq a demandé à bénéficier du fonds de solidarité nationale de l’Etat (l’aide de 1 500 euros réservée aux TPE). Seuls 25 % des éditeurs déclarent n’avoir sollicité « aucun dispositif mis en place par le gouvernement ». Pour la grande majorité qui y a eu recours, les reports des échéances sociales et le prêt garanti par l’Etat ont été privilégiés. L’aide exceptionnelle du Centre national du livre (CNL) destinée aux maisons d’édition indépendantes fragiles a été assez peu sollicitée, « en raison de critères d’éligibilité jugés trop restrictifs ».

 

Créer « un choc de la demande »

Sans grande surprise, l’étude évoque aussi « quelques frictions dans les relations avec les banques mais aussi avec les libraires » pendant cette période du confinement. Très rare note d’optimisme dans ce marasme, les sondés ont noté « une hausse des ventes de livres numériques et une légère augmentation des ventes de livres audio » depuis mi-mars. Un épiphénomène loin de compenser la dégradation de leur chiffre d’affaires.

Pour éviter de cannibaliser leurs propres sorties de livres en noyant les libraires sous des monceaux de nouveautés, les éditeurs ont en moyenne, prévu « d’annuler ou de reporter 18 % de leurs nouveautés initialement prévues en 2020 ».

Comment envisager désormais une relance du secteur ? Les éditeurs redoutent un « difficile redémarrage des librairies et des points de vente ». Ils craignent notamment une « baisse de la demande des lecteurs » et soulignent que le soutien à la librairie est « fondamental », tout comme « la solidarité de l’ensemble de la filière » (éditeurs, auteurs, libraires, diffuseurs, imprimeurs…) pour accompagner la sortie de crise et maintenir la diversité. De façon générale, ils estiment « insuffisantes » les ressources financières destinées à soutenir la reprise.

Pour sa part, le SNE plaide pour un plan « qui aille largement au-delà des 180 millions d’euros évoqués par le ministère de la culture » et propose une kyrielle de mesures destinées à soutenir l’offre, grâce à des subventions, des prêts, des exonérations de charges sociales et de taxes, l’adoption d’un tarif postal propre au livre… Mais aussi à créer « un choc de la demande avec le lancement d’une grande campagne nationale de communication, des commandes publiques massives de livres pour les bibliothèques, un déploiement d’opérations telles que le Pass culture ou encore l’attribution de chèques-lire ».

 

Article paru dans Le Monde du 19 mai 2020