Connexion

l'autre LIVRE

L'INTRANQUILLE N°19

de Aldo QURESHI, Paul DALMAS-ALFONSI, Nathalie BARRIÉ, Patrick QUILLIER, MARC-ANTOINE GRAZIANI, Jeanne MARIE, Albane GELLé, CÉDRIC LERIBLE, Adeline BALDACCHINO, ALINE RECOURA, YEKTA YEKTA, Céline DE-SAËR, MARIE-CLAUDE SAN JUAN, MONA MESSINE, Mathias RICHARD, EUGÉNIE FAVRE, MARTHE OMÉ, NICOLAS VERMEULEN, CHRISTOPHE RIGAULT, CLAIRE GAUZENTE, Teo LIBARDO

Sommaire

CHANGER D’AIR CHANGER D’ART  

PATRICK QUILLIER  musique,  poésie, langues

par DELPHINE VANHOVE

 

TRADUCTIONS

DOMAINE IRLANDAIS

Mary O’Malley   Annemarie Ni’Churrean traduites par Jeanne Marie,

 

ÉTUDE

TRADUIRE JOYCE À TRAVERS LE TEMPS 

par Nathalie Barrié 

 

RÉVOLUTION ANIMALE

 

Albane Gellé 

Marc-Antoine Graziani 

Paul Dalmas-Alfonsi 

Cédric Lerible 

Adeline Baldacchino 

Aline Recoura 

Yekta 

Céline De-Saër 

Marie-Claude San Juan  

Mona Messine  

Aldo Qureshi 

 

ART SINGULIER :

Andras  Böröcz, par Carole Naggar  

 

AUTEURS 

TEXTES OU EXTRAITS DE MANUSCRITS

Mathias Richard 

Eugénie Favre 

Marthe Omé 

Nicolas Vermeulin 

Christophe Migault 

Claire Gauzente 

Teo Libardo 

 

DOMAINE  CRITIQUE 

Iraj Valipour 

Jean Esponde 

Jean-Pierre Bobillot : VOIX, etc.,

Sélection de livres et revues par F. Favretto 

Bonus

extrait des pages critiques de l'intranquille n°19

CHRONIQUES CRITIQUES

de Françoise Favretto   LIVRES

Poésie

Benoit Sudreau : Charges, Librairie Editions Tituli, 2020, 88 p. - 14 €

Le corps et la nature ont été traités par de nombreux poètes, Éluard excella dans l’association femme-paysage. Au chapitre "catharogrammes", de Charges, l'écriture finement tissée surprend voire éblouit le lecteur. L'instabilité des pronoms (ils, je, tu, nous) n'installe pas l'homme au milieu de la nature, mais comme dedans, par exemple ici dans ce beau passage érotique :" je suis pistil, dressé". Les éléments du corps, entrent dans la lumière et dans les formes (ovale, triangle) jouxtant un vocabulaire naturel de plantes, d'insectes.

Les métaphores restent, rares mais mouvantes : "les sachets d'air des rues vides", "la rue saigne de signes". Le monde de la couture convoqué : ajouré, blancs-piquetés, plis.

La poésie de Benoit Sudreau se crée plutôt par rapprochements de mots "au bourdon renversé sa mort pure". Ou des sortes de concrétions "os gris caténaires" (dans la dernier chapitre)

Le deuxième chapitre "12 Diachromies" ouvre d'autres champs lexicaux et livre des impressions plus larges : âme, hoplite, vieillesse, etc. Le registre des couleurs s'amplifie, couleur bleue, herbe jaune, les éléments naturels s'élargissent aux minéraux. Les langues "deviennent" avec des passages en grec, en italien en anglais. Le concret de la ville apparaît : "terrains tagués", "plaine industrielle", "boue noire". On la retrouvera à la fin du livre avec les titres de poèmes "rues" "banc" "rail"… La thématique évoquée au début se cristallise ici : "les ombres qui plongent dans mon ventre leurs racines". Et l'épaisseur du monde : les heures, la nuit…

Des poèmes plus sensuels lancent en cohorte des photographies du réel : "nous observons l'entaille pendante de la figue, guêpe, frelons, papillons en couple". Parfois arrachant au passage à des souvenirs de lectures des termes obsolètes comme "la feuillée". Ou empruntant à la culture populaire "Le Parrain Dalida chansons bêtes".

Les poèmes se font ensuite plus courts, et un vocabulaire plus ancien, et même savant voire précieux (rouvre, alkékenge, rhombe – le substantif compte ! –) mais on atteint aussi du fait des raccourcis, une quintessence : "bander nature" remplit son office de lien tandis que le titre" la chair du ciel" l'inscrit dans le cosmos. Plus dissert et simplement beau : "un bois m'accueillit de derrière ta nuque". Du point de vue de la forme, les mots se coupent en fin de vers, les tirets s'allongent.

On voit donc dans ce livre une attache poétique de plénitude, un besoin d’englober, une intention est même déclarée : « je réponds /au Réel » et pourtant toujours imagée (la belle expression « notre raison crée de la corne »)…

 

Jean-Louis Houchard et Daniel Humair : Corps flottants de l'Humeur vitrée, VOIX éditions, 2018. 42 p. 14 €. (Cette collection, arrêtée, repart-elle ?)

4 collaborations -"conjonction-dijonction" selon les mots de Houchard, de ce duo écriture-peintures graphiques, précédés de deux poèmes de Mawen Noury (trio donc). Aphorismes, jeux de mots, propos sur musique ou philosophie, confidences de "journal"…"de médit à méditation il y a cet enchaînement alogique qui est plutôt dé-chaînement - au sens d'une sérénité libertaire -," (…)

Natacha Guiller : Mocassin, je me prépare et autres récifs en cours, 2020, Nouvelles Editions Place, 80 p. - 10 €

Ce qui va nous emporter avec Natacha Guiller, c’est le rythme. Elle ne craint pas les répétitions, les martèlements même et la force de son verbe atteint la confidence :

« résolument/il va falloir/artistiquement/que je perce »

« ce qui prime sur la valeur posthume (je m’en fiche) c’est l’urgence sensationnelle »

Cèderait-elle pour autant à un certain effet médiatique ?

Elle attend, elle attend et finalement c’est quoi ? la mort de celui à qui elle s’adresse… Le deuxième texte interpelle la mer « ma bêle/voix moue/timbrée d’hippocampes »

Une auteure que nous suivrons, artiste aussi…

 

Christian Rigault : En-tête, 2019, chez Vincent Courtois, 6 rue Sébastien Gryphe, 69007 Lyon.

Une petite collection qui a aussi publié Stéphane. Batsal. La mer, le corps, la nature et la mort restent les thèmes privilégiés de l’auteur qui n’a pas de contrainte inspiratrice et vogue sur les petites phrases avec entrain et beauté noirissime, comme ce poème : « Ces yeux qui plongent et s’imbibent du profond. Qui trouent d’abîme cette tête laissée sur le bord »

 

Cécile Roy : bande d’arrêt d’urgence, illustrations en couleur de Jean-Louis Fleury, éd unicité, 70 p. - 13 €

Les images sont très colorées et des traces de pneus ont inspiré l’artiste qui utilise des papiers divers. De soie en particulier. Cela débute par le récit d’un lapin écrasé, très grand moment de poésie et d’hommage aux animaux morts. Mais on retrouve « notre lapin » à la fin « d’un seul il est devenu mille ».C’est donc sur la route que Cécile Roy conduit ses lecteurs, à bride abattue, le texte crapahute et file, dense et direct « on n’est pas des sioux bordel heureusement que les sentiers sont en réseau ». On peut la retrouver en haut d’une grue ou dansant sous la pluie. Pour alimenter notre thématique, citons : « personne n’a jamais su comment j’avais pu naitre, comment un corps si long avait pu se loger dans une biche, sortir intact, sans blessure, pour l’une comme pour l’autre, pas même une bandelette. »

 

Poésie traduite

Hrvoje Pejakovic : Une phrase pour entre deux, préface et traductions du croate par Brandica Radic. Ed L'Ollave, 2020. 84 p. - 20 €.

Le livre réunit plusieurs textes dont quelques pages d'Angle Nord paru à l'Atelier de l'agneau. Disparu trop jeune d'une maladie "de naissance", l'auteur n'avait publié que 8 livres en Croatie (poésie, essais et critiques).

H. Pejakovic offre un monde coupé, la douleur traverse ses textes, son travail a quelque chose du cut-up et cela résonne en même temps expérimental et vécu. À cet égard un début de poème, parmi ses dernières pages de 2003 : "et si ton cri enfantin et si /mon cri d'enfant délaissé dans l'obscurité,/dans la broussaille des rails) si un/soir (par la main de qui renversé arraché du sol/jeté dans le Tout?) si un soir enfin/il t'aborde tout de même avec sa doublure/veloutée, témoigne pour lui, lave-lui la figure peigne-le/ pose-le contre ta joue ne pars pas –" (…)

 

Journal

Michel Valprémy : Journal les 50 dernières pages 2004-2007, Les amis de Michel Valprémy, Robin 1, 33141 Villegouge, 20 €

Un beau livre d’art pour l’écriture de Michel Valprémy, elle-même dessin. Fac-similé avec les lignes violettes du cahier, les herbes, les couleurs. Une façon de souvenir aussi pour ses amis si fidèles à la mémoire de cet écrivain discret et très prolixe, son journal publié entièrement au long des années en témoigne aussi ; ce livre en est le codicille artistique. Michel Valprémy est un auteur de l’Atelier de l’agneau, disparu en 2007.

 

Correspondance

Francis Ponge – Christian Prigent : une relation enragée correspondance croisée 1969-1986, Edition l'Atelier contemporain,  2020. 220 p. - 25 €

La richesse de ces lettres tient à un faisceau très abondant de points de vue :

. socio-littéraire : comment un étudiant réussit à rencontrer un "auteur majeur" sur lequel il travaillera en plusieurs études, mémoire, thèse, articles et comment se ficelle le "passage" Tel Quel-TXT, les revues importantes de la période concernée.
. matériel : les difficultés pour publier des livraisons de revues, financement, impression, tirage d'un artiste pour l'édition "'rehaussée" et toutes les tensions voire expulsions qui s'y collent.

. théorique : positionnement des revues qui se disent "matérialistes" par rapport aux autres.

. géographique : le comité de TXT étant belgo-français, une inspection de douanier sur les 200 premiers exemplaires du n°3/4 consacré à Ponge tourne à l'incompréhension de base.

. biographique : Prigent enseigne à Rennes, a des enfants,  part en vacances dans la même région que Ponge. Ils sont parfois tous deux malades.

. technique : TXT ronéoté au tout début, sera imprimé en typo…

. historique : rupture de TEL QUEL avec le PCF parmi les nombreuses "coupures"…

. autorial : Christian Prigent cherche à publier et relate des profonds moments d'abattements quand aucune réponse ne vient ou pire qu'on lui dit oui et que rien ne suit…Sans cesse, des reports, des coupes parfois drastiques le laissent amer (sic).

. livre à suspense : en effet, on ne découvre le pot aux roses qu’à la fin, on ne s’y attend diantre pas… Voici la force aussi de l’ensemble, le temps est un grand romancier.

 

Nouvelles

Collectif : Le chien attaché au poteau électrique, éd la chambre d'échos, 160 p. - 16 €

Nouvelles de 9 auteurs. Collectif NOUVELLE DONNE. Celle de Nathalie Barrié, à la forme très recherchée, sous forme de lettres, concerne Ulysse de Joyce et peut compléter l'essai que nous publions dans ce n°19.

 

Valéry Molet : Le nœud du pendu, l'échappée belle édition, 2018. 40 p. - 10 €

L'auteur écrit des romans, des poèmes et des nouvelles dont l'humour noir est ici savoureux. Un thème : l'amour, vu un peu par-dessus la jambe - si j'ose dire…Et toujours un décalage notoire, qu'elles soient femme ou amante. "j'étais sa farine, elle formait des grumeaux sur mes neurones". "Il y a les êtres humains et puis il y a elle". Jusqu'à la solitude ultime : "L'insensibilité établit le dogme de la noirceur". Une écriture qui, de plus, emporte bien son lecteur.

 

Anthologies

Florentine Rey : Désir d'écrire, Fauves éditions, 2020. 256 p. – 20 €

50 auteur.e.s choisi.e.s comme "modèles" pour des ateliers d'écriture. La variété du choix surprend et démontre le gros travail de prospection de F. Rey. Phrases moteurs, anaphores, thématiques (corps,  rencontres, portraits, matières, voyages, émotions, rêves, etc.), rythmique, structuration, description, transformation, procédés d'imagination : de nombreux déclics pour écrire, et des exemples à suivre.

Chaque auteur est présenté. Les techniques d'écriture suggérées et développées. Un outil de travail très utile. Et la découverte d'écrivains venus d'horizons différents. Et parfois de pays (Doina Ioanid, de Roumanie).

 

Collectif : « Notre époque », 2019, tardi-gradéditions, A.M. Jeanjean 6 bis ch. de l’église 34150 La Boissière, 10 €

Agostini, Blaine, Lavrille, Nève, Helissen, Cavaillé, Lerible, etc. répondent à « que pouvons-nous penser, exprimer de notre époque ? ».

 

Musique

John Robb : Histoire orale du punk rock, 2020, éditions Rytrut, 420 pages - 34 €. www.rytrut.com

Traduit par Frédéric Jalabert et Ladzy Galaï, à partir du livre sorti en 2006 en anglais :

Le punk décolle en 1977 au Royaume-Uni, il a ses racines dans les années 50 et plonge en 84 (où se termine le livre).

‘le punk s’est inspiré du rock en roll en le saccageant pour le meilleur’. John Robb, a interrogé ses acteurs, ses témoins, ses passionnés.

Le livre est réalisé de collages d’entretiens installés chronologiquement, cela crée un patchwork éclairant sur la période, évidemment semé de noms de groupes et de musiciens que le grand public ne connait pas. Émergent les Sex Pistols, les Clash, les Ramones, Stranglers…

Pour ma part, j’ai découvert X-Ray Spex et sa chanteuse Poly Styrene qui débuta en 1978 avec cet incroyable et répétitif « identity » (voir Youtube).

 

REVUES

Pourtant, N°1. Découverte sur Instagram (elle appelait à un thème « naissance »), Pourtant est au départ une revue en ligne avec un hors-série « pandémie : vies humaines » publiée ensuite en papier sur 200 pages et 50 photographies. Ce qui intéresse POURTANT ce sont les nouvelles, la photo et les poèmes.  Voyez le site www.pourtant.fr

Les moments littéraires, n° 41, www.lesmoments-litteraires.fr 142 p. - 12 €.

La revue publie souvent des diaristes. Ici également un dossier sur Fabienne Jacob dans ses trois lieux : Paris, Mayotte et la Moselle natale, plutôt âpre, qui l’inspire. Auteure de 7 livres, elle a commencé à publier à 44 ans. « Quand j’écris je suis une très vieille anguille ».

Autres dossiers : les photos d’Elina Brotherus, prix Niepce, autoportraits très attachants de cette finlandaise qui parfois pleure, se moque des mères, et se photographie souvent nue - ou à demi -  et courbée… Pages de Journal de Françoise Ascal. Abécédaire de Marie-Hélène Lafon. Et d’autres participantes, femmes essentiellement. 

Françoise Favretto


Mots-clés :

Fiche technique

Prix éditeur : 18,00 €


Collection : L'INTRANQUILLE

Éditeur : ATELIER DE L'AGNEAU ÉDITEUR

EAN : 9782374280417

ISBN : 978-2-37428-041-7

Parution :

Façonnage : broché

Poids : 210g

Pagination : 82 pages